- Soukeina, ma chérie! Comment pourrais-je t'expliquer que je dois partir pour combattre et être tué? Comment pourrais je te faire comprendre que je dois mourir pour la Cause de la Justice
et de la Vérité, et que pour cette Cause, je dois sacrifier tout ce que j'aime le plus au monde? Tout ce que je peux te dire, c'est que la vie dans ce monde ne dure pas très longtemps. Ma chérie,
je ne fais que partir un peu avant toi, mais tu viendras me rejoindre bientôt au Paradis. Maintenant Soukeina, il faut que tu me laisses partir. Ne me retiens pas. Mais adresse moi plutôt ton
plus joli sourire pour me dire au revoir!
-Papa, tu dis que je te rejoindrai au Paradis. Promets-moi , Papa, que ce sera bientôt, très bientôt! Promets-moi de demander à Dieu que nous ne soyons pas séparés longtemps. Et promets-moi
encore, mon petit Papa, puisque je ne te verrai plus, de venir dans mes rêves toutes les nuits. Promets-le moi, Papa ! S'il te plaît, promets-le moi!
- Je te le promets, ma chérie. Je te le promets.
Soukeina se laissa glisser des bras de son père. Elle l'embrassa, et resta debout prés du cheval. L'Imam Houssein enfourcha Zuljanâh. Il eut un dernier regard pour sa petite fille, un
dernier sourire baigné de larmes.
- Zuljanah ! C'est la dernière fois que je te monte. Emporte-moi là où m'attend mon destin. Emporte-moi au terme de mon voyage!
Zuljanah, éperonné, s'élança vers le champ de bataille, là où résonnaient les tambours de guerre et les clameurs réclamant encore du sang.
Soukeina, immobile, agitait sa petite main pour dire adieu à son père.
***
- Soldats de Yazid! Je suis venu vous demander si vous me connaissez. L'Imam Houssein, qui avait revêtu la tunique et le turban de son grand-père, le Messager de Dieu, faisait face, seul,
aux cinq mille hommes de l'armée omayyade.
-Soldats de Yazid ! Pour ceux d'entre vous qui ne me connaîtraient pas, je suis Houssein, le petit-fils du Prophète Mohammad, que vous reconnaissez comme le Prophète de l'Islam! Je suis le
fils de Fatima, la fille du Prophète, et d'Ali, le cousin du Prophète.
Je suis le dernier des cinq personnes à propos desquelles le Prophète a parlé maintes et maintes fois. Nombreux sont ceux parmi vous qui ont vu et entendu le Prophète. A ceux-là, je demande
s'ils ne se souviennent pas avoir vu le Prophète me porter sur ses épaules, en même temps que mon frère Hassan, quand nous étions enfants? N'ont-ils pas entendu le Prophète dire que j'étais le
plus cher de ses enfants? N'ont-ils jamais vu les yeux du Prophète mouillés de larmes lorsque j'avais la moindre peine, le moindre chagrin? Le Prophète n'est plus, mais moi je suis ici devant
vous! Vous avez blessé mon cœur en massacrant sans pitié mes fils, mes frères, mes neveux, mes fidèles compagnons. Vous n'avez pas épargné mon fils Abdallah, pauvre nourrisson innocent qui ne
vous avait fait aucun mal! Chacun d'eux a été tué alors qu'il souffrait de la faim et de la soif et depuis plus de trois jours vous avez refusé à toute ma Famille la moindre parcelle de
nourriture, la moindre goutte d'eau, malgré la chaleur étouffante qui règne dans cette plaine. Au Nom de Dieu, je vous demande ce que je vous ai fait pour mériter un tel traitement?