Houssein, tu nous fatigues avec tes discours! Nous t'avons laissé la possibilité de reconnaître le Calife Yazid comme ton Maître spirituel et ton Chef politique. et te soumettre à ses lois
et à sa volonté dans tous les domaines. Reconnais le comme Commandeur des Croyants et Successeur du Prophète! Tu sauveras ta vie, et tu épargneras souffrances et humiliations à ta famille. Tu
n'as pas d'autre choix!
- Omar fils de Saad ! Ton père était un Compagnon du Prophète. Toi-même tu as été témoin de ce que j'ai dit car tu accompagnais souvent ton père quand il rendait visite à mon grand-père.
Crois-tu que je vais reconnaître un débauché comme mon Maître spirituel et comme le Successeur du Prophète? Crois-tu que je vais accepter les changements et les déviations qu'il veut introduire
dans la Religion sans rien dire? Crois-tu que je me soumettrais à une telle abjection pour sauver ma vie et épargner souffrances et humiliations aux femmes et aux enfants de la Maison du Prophète
? Si l'abandon des Principes de l'Islam et des Enseignements du Coran est le prix que tu demandes pour ma vie et l'honneur de ma Famille, sache que je rejette ton offre méprisable!
Cela suffit, Houssein ! Tu refuses la seule et unique chose que nous te demandons reconnaître autorité religieuse du Calife Yazid, et le droit pour qui de décider ce qu'il veut dans toutes
les questions religieuses. Tu ne discutes avec nous que pour gagner du temps. Nous savons bien que tu n'as aucune chance contre toute notre armée. Dans l'état où tu es même le plus faible de mes
soldats te vaincrait sans effort...
L'insulte proférée par Omar fit bouillonner le sang de l'Imam Houssein. Lui, le fils du Lion de Dieu mit la main au fourreau, sortit son glaive et rugit, d'une voix puissante:
- Omar fils de Saad ! Je propose le combat en duel non seulement au plus fort et au plus courageux de tes hommes, mais encore à tous ceux que tu voudras envoyer me combattre, l'un après
l'autre!
Comme un serpent glacé et hideux, la peur s'insinua dans les veines, se lova dans le cœur des cinq mille hommes massés en face de l'Imam Houssein. Tous se souvinrent d'Ali, le père de
Houssein, qui avait de la sorte provoqué et défait tant et tant d'adversaires autrement courageux qu'eux ! Aucun n'eut le courage de relever le défi lancé par cet homme âgé de près de soixante
ans, couvert de blessures, épuisé, affamé, à moitié mort de soif ! Omar fils de Saad ordonna à ses archers de lancer une volée de flèches vers l'Imam Houssein, à sa cavalerie et à son infanterie
de manœuvrer pour l'encercler.
L'Imam Houssein lança son cheval contre ceux qui se préparaient à l'attaquer. Son épée fauchait tous ceux qui étaient à sa portée.
Comme une flèche, il traversa l'aile gauche de l'armée omayyade, décrivit un cercle pour aller mettre l'aile droite en déroute, revint semer la confusion en plein cœur de la horde
épouvantée. Tous ces lâches ne pensaient qu'à sauver leur vie méprisable pour jouir des récompenses que Yazid leur avait promises en contrepartie de la tête de l'Imam Houssein. Ceux qui voyaient
le petit-fils du Prophète fondre sur eux suppliaient à genoux qu'il leur laisse la vie sauve. Les autres fuyaient dans toutes les directions.
Le champ de bataille avait été nettoyé de tous ces couards. Le soleil venait de se coucher. L'Imam Houssein pensa ,qu'il avait le temps d'accomplir la Prière du Maghreb. Il remit son arme
au fourreau, descendit de monture. Omar qui l'observait de loin pensa que c'était le moment de l'attaquer. Mais personne ne voulant se risquer à approcher le Saint Imam, Omar ordonna de
l'ensevelir sous une pluie de flèche, de pierres, de morceaux de bitume enflammé. L'Imam Houssein, qui était déjà couvert de blessures de la tête aux pieds, reçut ainsi plusieurs coups mortels,
l'un après l'autre. Il perdait son sang en abondance. Il décida de prier immédiatement. Ne pouvant aller jusqu'au fleuve pour faire ses ablutions, il se servit du sable brûlant, et entra en
Prière.
Omar fils de Saad appela ses soldats pour aller trancher la tête de l'Imam Houssein pendant qu'il était en train de prier. Mais personne n'osait approcher le héros moribond.
Des promesses mirobolantes décidèrent finalement Chamir le Maudit, accompagné par Omar en personne, à sauter sur le dos de l'Imam Houssein alors que celui-ci achevait de prier. Chamir leva
son sabre, évaluant son coup.
L'Imam Houssein était trop faible maintenant pour relever seulement la tête. Il la tourna un peu sur le côté. Il aperçut Chamir. D'une voix faible, presque inaudible, il
demanda:
-Chamir, j'ai soif ! Avant d'accomplir ce que tu veux faire, donne-moi un peu à boire!
Pour toute réponse, Chamir frappa, de toutes ses forces.
***
Zaynab, qui s'était enveloppée de la tête aux pieds dans un rand voile, était montée sur une coltine, tout près du campement. Elle avait assisté, soulevée d'enthousiasme, aux exploits de
son frère, à la débandade de toute une armée causée par un seul homme.
L'Imam Houssein, son frère, était bien le digne fils de l'Imam Ali. Mais le vent s'était levé, soulevant une fine poussière de sable rouge.
Maintenant Zaynab ne distinguait plus très bien ce qui se passait. Elle écarquillait les yeux, essayant d'apercevoir quelque chose. Dans l'embrasement du ciel d'où le soleil venait de se
retirer, elle vit soudain se découper, comme en ombre chinoise, la tête de l'Imam Houssein, que Chamir portait comme un trophée au bout d'une pique.
Les tambours de guerre retentirent dans la plaine de Karbala. L'armée omayyade annonçait sa victoire...
***
La clarté de la lune ne parvenait guère à traverser l'épais manteau de poussière qui avait envahi le ciel. La nuit était sombre sur la plaine de Karbala, où les tentes du campement de
l'Imam Houssein achevaient de brûler.
Peu après le Martyre de l'Imam, la horde sans âme s'était ruée à l'assaut. Tout avait été pillé, dévasté. La Famille du Prophète n'accumulait pas les parures ni les objets de valeur, et les
pillards avaient été frustrés du butin qu'ils escomptaient. Ils avaient quand même arraché aux veuves et aux orphelins tout ce qu'ils avaient pu leur prendre, et s'étaient vengés de leur
déception en les frappant, en les fouettant...
Avant de quitter le campement qu'ils avaient mis à sac, les suppôts de Yazid avaient incendié les tentes. Zaynab, à qui l'Imam Houssein avait confié les survivants du massacre, s'était
précipitée vers Ali Zayn Abidine, qui gisait sans connaissance. Elle l'avait secoué, réveillé, lui avait demandé:
-ô fils de mon frère ! ô notre Imam ! Les monstres ont mis le feu au campement. Devons-nous rester dans les tentes, et abréger ainsi nos souffrances, éviter les outrages, les humiliations?
Ou devons-nous sortir pendant qu'il est encore temps ?