Avant que la bataille ne s'engage, l'Imam Houssein essaya une dernière fois de raisonner les assaillants, dans l'espoir d'éviter à ceux qui ne se seraient pas rendu compte de la gravité de
ce qu'ils allaient faire, de participer à un crime et un péché impardonnables. Il leur rappela les milliers de messages que les leurs lui avaient envoyés pour l'inviter à venir en Iraq et lui
prêter serment d'allégeance, pour défendre à ses cotés le Message de l'Islam. Mais ses discours furent vains. Ses appels pathétiques ne furent pas entendus par ces hommes épris d'argent et
assoiffés de pouvoir.
L'Imam Houssein ne désespéra pas. Il fit avancer encore un peu son cheval, plus près de l'armée omayyade. Il leva le Saint Coran et dit : "Soldats de Yazid ! Nous avons en commun le Livre
de Dieu et la Sounna de mon grand-père, le Messager de Dieu !" .
Personne ne réagit. Il insista : "Ne voyez-vous pas que je porte l'épée du Messager de Dieu, son vêtement de guerre, et son propre turban ?
- Oui, nous voyons cela.
- Pourquoi donc alors voulez-vous me combattre ?
Pour obéir aux ordres de notre Maître, Obeidoullah fils de Ziyad !
Alors l'Imam Houssein s'adressa à Omar fils de Saad, le commandant de l'armée de Yazid : "Omar ! Tu veux me tuer pour que celui qui a usurpé le Califat te nomme Gouverneur de la moitié de
la Perse. Par Dieu ! Tu n'auras pas ce plaisir. Fais-moi ce que tu comptes me faire. Mais je te jure que jamais après ma mort tu ne connaîtras de joie, ni dans ce monde, ni dans l'autre ! Je vois
ta tête attachée à un bâton, et les enfants de Koufa jouant avec...
Exaspéré par cette prédiction, 0mar fils de Saad tourna les talons. Il prit son arc, y plaça une flèche et tira, en criant : " Soyez tous témoins que je suis le premier à avoir tiré
!
***
Hour supplia l'Imam Houssein de lui permettre, ainsi qu'à son fils et à son esclave, d'être les premiers à combattre. Sans doute espérait-il convaincre les mille hommes placés sous son
commandement de le rejoindre et de soutenir le petit-fils de l'Envoyé de Dieu. Peut-être alors les autres soldats se rallieraient-ils à eux. 0u du moins peut-être hésiteraient-ils à combattre un
ennemi autrement plus nombreux que celui qu'ils s'apprêtaient à affronter. Hour pouvait espérer empêcher de la sorte qu'ait lieu le massacre qu'il avait contribué à préparer.
L'Imam Houssein ayant donné son accord, Hour, son fils et son esclave se mirent en selle et s'avancèrent vers les lignes ennemies.
Ils firent halte lorsqu'ils furent tout près de l'armée de Yazid. Hour commença à haranguer ses anciens hommes. Il leur parlait avec une grande éloquence, appuyant son argumentation sur de
nombreux Versets du Coran. Il leur expliquait pourquoi il avait choisi de se ranger du coté de la Vérité et de la Justice, sous la bannière de l'Imam Houssein, et les pressait de réfléchir aux
conséquences qui ne manqueraient pas de résulter pour eux du fait de combattre et de tuer le petit-fils du Prophète, que celui-ci avait tant aimé.
Il leur parlait du choix qu'il leur fallait faire entre le Paradis et l'Enfer... Ses paroles avaient un effet extraordinaire sur ses anciens soldats. Chimr fils de Jawchane, l'un des chef
de l'armée omayyade voyant le changement qui s'opérait dans le cœur et l'esprit des hommes. IL pressa Omar fils de Saad, le commandant en chef de l'armée, d'attaquer en masse et immédiatement les
trois hommes, car la situation risquait fort de se retourner en faveur de l'Imam Houssein ! Une récompense fabuleuse fut promise à ceux qui tueraient Hour et ses deux compagnons.
Les trois hommes firent preuve de tant de vaillance et d'adresse qu'il tuèrent à eux seuls des dizaines d'ennemis. Le fils de Hour fut tué le premier, puis ce fut le tour de son esclave.
Hour continuait de faire des ravages dans les rangs de l'armée de Yazid. Mais ses nombreuses blessures lui avaient fait perdre beaucoup de sang. IL fut pris d'étourdissement et tomba de cheval. A
l'heure de la mort, il souhaita entendre encore une fois de la bouche de l'Imam Houssein l'assurance que celui-ci lui avait pardonné.
Aussi l'appela-t-il de toutes ses forces, avant de perdre connaissance.
Quand ils entendirent le cri de Hour, l'Imam Houssein et Abbas bondirent sur leurs chevaux. Sabre au poing, ils traversèrent les rangs ennemis, jusqu'à l'endroit où gisait Hour. L'Imam
Houssein y parvint le premier. IL souleva la tête de Hour et la posa sur ses genoux. Puis il essuya le sang qui couvrait son visage et pansa la large blessure ouverte dans son crâne en se servant
d'une écharpe que Fatima (as) sa mère avait tissé elle-même. Hour ouvrit les yeux. IL était incapable de parler, mais il fixa ses yeux droit dans ceux de l'Imam. Celui-ci comprit ce que le
mourant voulait savoir. Il posa sa main sur la tête de Hour, en priant :
- Que Dieu t'accorde Ses Bénédictions pour ce que tu as accompli aujourd'hui pour me défendre ! En entendant ces mots, Hour poussa son dernier soupir, sa tête reposant toujours sur les
genoux de l'Imam Houssein. Celui-ci et Abbas soulevèrent le corps sans vie, et le transportèrent jusqu'au campement.
Après Hour vint le tour de chacun des vaillants et dévoués Chiites de l'Imam Houssein. Chacun d'eux revendiquait l'honneur de sacrifier sa vie en premier. Chacun d'eux brillait du désir de
mourir en défendant la vie du petit-fils de l'Envoyé de Dieu et celle de ses proches qu'ils aimaient plus qu'eux mêmes et que leurs propres parents !
***
Habib fils de Mazahir était attaché à l'Imam Houssein depuis sa plus tendre enfance. Un jour, à Médine, quand Habib avait peut-être huit ans, le Saint Prophète était passé près d'un groupe
d'enfants en train de jouer. Habib était du nombre. Le Prophète l'avait attrapé, soulevé dans ses bras, et embrassé avec tant d'amour que les Compagnons présents s'en étaient étonnés. Certes
chacun connaissait l'affection que l'Envoyé de Dieu portait aux enfants. Mais pourquoi de telles démonstrations envers cet, enfant anonyme en particulier. Alors le Saint Prophète, les, yeux noyés
de larmes, avait déclaré :
- J'ai vu de mes yeux Habib suivre avec dévotion Houssein où qu'il aille. Je l'ai vu embrasser le sol foulé par Houssein. Et je vois un jour où même enfant montrera son amour pour Houssein
d'une manière qui rendra son nom immortel !
Quand il était arrivé à Karbala,la première chose qu'avait faite l'Imam Houssein avait été d'écrire à Habib, qui se trouvait à Koufa, pour l'informer de la situation dans laquelle il se
trouvait.
A peine avait-il reçu la lettre de l'Imam Houssein que Habib avait décidé de voler à son secours. IL informa son épouse de sa décision, lui offrant de lui rendre sa liberté, si elle le
souhaitait, et de lui donner tous les biens qu'il possédait. La noble dame lui répondit :
- Je suis fière de la décision que tu as prise de sacrifier ta vie pour défendre l'Imam Houssein. Tu étais heureux que le petit-fils du Prophète te considère comme son ami d'enfance, et il
a bien montré combien il a confiance en toi, puisque, à toi seul il a écrit pour demander du secours à l'heure du besoin ! Va donc, et que Dieu te garde !
Habib n'avait plus qu'une pensée atteindre Karbala aussi vite que possible, arriver à temps pour défendre son Imam. Il mit dans la confidence son esclave, à qui il confia le soin de
conduire son cheval en un certain endroit, d'où il partirait pour Karbala la nuit même. Quand il arriva près de l'endroit du rendez-vous, il entendit son esclave s'impatienter :