La maladie du Prophète s'aggravait entre-temps. Malgré cela, pendant quelques jours de sa maladie, il maintint son habitude de se rendre dans les maisons de ses femmes à tour de rôle. Un
jour, alors qu'il franchissait la porte de `aicha, il entendit un gémissement : "Ma tête ! Aïe, ma tête !" Il entra et dit : "`aicha ! C'est plutôt à moi de crier : "Ma tête ! Ma tête !" Et non à
toi". Mais elle continua à crier : "Ma tête ! Ma tête !" Puis, dans un effort de tendresse, il lui dit : "Ne désirerais-tu pas, ô `aicha, mourir pendant que je suis encore vivant, afin que je
puisse t'envelopper dans un drap, prier sur toi et te déposer dans la tombe ?" Là, `aicha dit malicieusement : "En fait, je peux te comprendre ! Tu veux vivre avec une autre femme à ma place,
après tout ce que tu viens de dire". Le Prophète sourit à la plaisanterie de `aicha, avec la triste compagnie d'une douleur aiguë dans sa tête, et partit pour l'appartement de
MaymQnah.
Selon un autre récit; `aicha dit : "Chaque fois que le Prophète passait devant ma porte, il avait l'habitude de me dire quelques mots. Maintenant, il passe depuis deux jours sans prononcer
un seul mot. Aussi ai je demandé à ma bonne de mettre mon oreiller à la porte. J'y pose ma tête bandée, et lorsque le Prophète passe par là, il entend mes gémissements et entre pour me parler
comme il le faisait précédemment".
Hélas ! `aicha n'avait pas pu comprendre la situation. Elle aurait dû trembler en pensant à son sort ainsi prédit indirectement par le Prophète. Elle savait qu'il n'était pas d'assez bonne
humeur pour prononcer de tels mots par plaisanterie, et que la situation ne prêtait pas à une telle plaisanterie sinistre avec sa femme bien-aimée qui était encore jeune alors qu'il avait
atteint, lui, l'âge avancé de soixante-trois ans, pas du tout inconscient des prémonitions de sa fin, et souffrant gravement de maux de tête et de fièvre.
La prédiction se réalisera quelques quarante ans plus tard, lorsque, à l'époque de Mo`âwiyeh, `aicha sera enterrée vivante. Elle n'aura pour elle ni toilette mortuaire, ni drap pour
l'envelopper, ni cercueil, ni prière sur son âme. Dans son "History of Saracens" (p. 375), Simon Ockley, citant une note de Price, écrit : "Selon un récit, `aicha fut assassinée sous le
gouvernement de Mu`âwiyeh"; et de donner ces détails concernant cette affaire : "`aicha ayant résolument et avec affront refusé de prêter allégeance à Yazîd, Mu`âwiyeh la convoqua pour un
entretien. IL avait fait préparer un puits ou un trou très profond dans la partie de la pièce réservée à sa réception, et il en fit couvrir l'orifice avec des branches et des nattes de paille.
Une chaise fut placée au-dessus de l'endroit fatal. Lorsque `aicha fut conduite à son siège, elle s'enfonça dans une nuit éternelle.
L'orifice du trou fut immédiatement rebouché avec des pierres et du mortier". Ainsi, `aicha fut enterrée sans faste tout comme elle s'était mariée sans faste.