Si un acte de culte est tel que le cœur n’en a connaissance sous aucun rapport et qu’aucun effet ne s’en produit dans le for intérieur, il n’aura pas d’existence permanente dans les autres
mondes et ne s’élèvera pas du domaine du molk vers celui du malakût, et il est même possible, à Dieu ne plaise, qu’au moment des tourments de l’agonie, des affres terribles de la mort et des
terreurs et épreuves qui y font suite, la forme de [cet acte de culte] soit totalement effacée et éliminée de la surface du cœur et que l’on aille se présenter devant la Sainte Réalité divine les
mains vides.
Si quelqu’un prononce, par exemple, la noble invocation « Il n’est de dieu que Dieu, Mohammad est l’envoyé de Dieu » avec un cœur tranquille et serein et qu’il enseigne cette noble
invocation à son cœur, peu à peu la langue de son cœur se déliera et sa langue physique suivra celle du cœur :
c’est d’abord le cœur qui fera l’invocation, et derrière lui la langue. Son Excellence l’Imam %âdeq, que la Paix soit avec lui, a fait allusion à cela dans une tradition rapportée dans le
Flambeau de la Loi révélée : « Fais de ton cœur la Qibla de ta langue et ne la mets en mouvement que sur signe du cœur, en accord avec l’intelligence et avec l’agrément de la foi ». Au début,
alors que la langue du cœur ne s’est pas déliée, le pèlerin de la voie de l’autre monde doit lui enseigner l’invocation et la lui inspirer dans la quiétude et la paix. Dès que la langue du cœur
se délie, le cœur devient la Qibla de la langue et de tous les autres membres, et lorsqu’il invoque, l’être tout entier fait l’invocation.
Mais s’il prononce cette noble invocation sans quiétude ni paix du cœur, en étant pressé, troublé et dispersé, aucun n’effet ne s’en produira dans le cœur : elle ne dépassera pas les
limites de la langue et de l’ouïe extérieures et animales pour atteindre le for intérieur et l’ouïe [véritablement] humaines, sa réalité essentielle ne se concrétisera pas dans le cœur et elle ne
deviendra pas une forme de perfection impérissable du cœur. De ce fait, si des terreurs et des tourments surviennent – tels, en particulier, les terreurs et affres de la mort et les tourments de
l’agonie –, il oubliera totalement cette invocation et elle sera effacée de la surface du cœur. Il oubliera même les noms de la Réalité suprême, du Sceau des Envoyés, que Dieu prie sur lui et sa
famille, de la noble religion de l’islam, du Saint Livre divin, des Imams de la guidance et toutes les autres connaissances qui ne sont pas parvenues au cœur, et au moment de l’interrogatoire
dans la tombe, il ne pourra donner de réponse. Lui souffler les réponses ne lui sera même d’aucun profit, car il ne verra en lui-même aucune trace des réalités [auxquelles réfèrent] la
Seigneurie, la Prophétie et les autres connaissances. Ce qui était prononcé du bout de la langue et qui n’a pas pris forme dans le cœur sera effacé de son esprit et il ne lui restera rien de
l’attestation de la Seigneurie et de la Prophétie, ni des autres connaissances.
Il est rapporté dans les hadiths que l’on fera entrer en Enfer un groupe de la communauté du plus noble Envoyé, que Dieu prie sur lui et sa famille et leur donne la Paix, et qu’en raison de
la frayeur que leur inspirera l’ange maître de l’Enfer, ils en oublieront le nom du Prophète ; or il est précisé dans le même hadith qu’ils sont des gens de foi et que leurs cœurs et leurs
visages brillent et resplendissent de la lumière de la foi !
L’éminent traditionniste Madjlesî, que Dieu lui fasse miséricorde, dit dans les Miroirs des cœurs – en commentaire du noble hadith « Je suis son ouïe, son regard… » – quelque chose que je
rendrai ainsi : « Celui qui n’emploie pas ses yeux, ses oreilles et ses autres organes dans l’obéissance à la Réalité suprême n’aura pas d’yeux ni d’oreilles spirituelles, or ces yeux et oreilles
de chair relevant du molk ne vont pas dans cet autre monde : il sera donc dans le monde de la tombe et de la résurrection sans yeux et sans oreilles, or ce par quoi se déroule l’interrogatoire
dans la tombe, ce sont ces organes spirituels ».
Pour faire bref, les nobles hadiths concernant cette sorte de “tranquillité” et ses effets sont fort nombreux : le Noble Coran ordonne de psalmodier le Coran (Cor. 74.4) et il est dit dans
les nobles hadiths que « si quelqu’un oublie une sourate du Coran, elle prendra pour lui, au Paradis, un forme d’une beauté inégalable ; lorsqu’il la verra, il lui dira : “Qui est-tu ? Comme tu
es belle ! Si seulement tu étais de moi !”. Elle lui répondra alors : “Tu ne me reconnais pas ? Je suis telle sourate : si tu ne m’avais pas oubliée, je t’aurais fait parvenir à ce degré élevé”
». Il est [aussi] dit que « quelqu’un qui récite le Coran quand il est jeune, le Coran se mélange à sa chair et à son sang » : la raison en est que dans la jeunesse le cœur a moins de
préoccupations et de ternissures, et de ce fait, le cœur est plus et plus vite réceptif, et l’effet reçu est également plus durable. Les hadiths sur ce thème [du Coran] sont nombreux et nous en
ferons état, si Dieu veut, dans le chapitre sur la récitation du Coran. Il est [encore] dit dans les hadiths que « rien n’est plus aimable à Dieu le Très-Haut qu’un acte accompli de manière
continue, même si cet acte est peu de chose » : il se peut que la raison profonde en soit que l’acte devient [alors] la forme intérieure du cœur, ainsi que cela a été dit.